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Gauche: Aaron Leon, Untitled 3, 2013, c-print Droite: Jennifer Cherniack, de la série, The One with all the Posters, 2013, inkjet on archival bond paper
À propos Nous sommes heureux de vous présenter les étudiants de la Faculté des beaux-arts de l’Université Concordia dans le cadre de l' Onzième exposition annuelle des finissants en beaux-arts. Les œuvres, choisies par un jury et exposées au cours des semaines entourant la collation des grades, donnent l’occasion aux étudiants de montrer leurs créations dans un lieu public tout en soulignant la fin de leur programme d’études. La Faculté des beaux-arts de l’Université Concordia offre une gamme incomparable de programmes en arts visuels et en arts de la scène. La Faculté est reconnue à l’échelle nationale et internationale pour la qualité de ses professeurs et diplômés. Elle compte actuellement plus de 3 000 étudiants inscrits à des programmes de baccalauréat, de maîtrise et de doctorat, ainsi que plus de 18 000 diplômés à travers le monde. Cette année, l’exposition propose un échantillon représentatif des nombreuses disciplines et activités de recherche des finissants de 1erou de 2e cycle de l’Université Concordia. L’exposition se déroule simultanément à la galerie VAV et à la galerie FOFA de l’Université Concordia, liant les deux espaces architecturaux où les artistes ont perfectionné leur pratique et réalisé leurs œuvres. La diversité occupe une place centrale à la Faculté des beaux-arts tout comme dans cette exposition. Concordia continue ainsi de former des artistes qui partagent non pas une méthode ou un style, mais plutôt la quête d’une profondeur d’expression, indépendante des médiums employés.
Galerie FOFA Kim Waldron s’investit personnellement dans le troublant diptyque intitulé Before and After; un extrait de la série Beautiful Creatures où elle étudie la relation dissociée et fictive que plusieurs entretiennent lorsqu’il est question de la production animale intégrée à notre consommation alimentaire. Procédant elle-même à l’abattage, elle complexifie la narration et s’interdit toute distance avec le sujet : l’animal. Épurées et sobres, les photographies éliminent de toute évidence la charge émotionnelle qu’entraîne la mort. S’inspirant des histoires sociales complexes du documentaire, de la photographie et de l’autoportrait, Kim Waldron remet en question la nature fabriquée de nos mœurs et croyances. Incapables de nous offrir un récit complet, les images créent une dissension révélatrice et alimentent une implication embarrassante et délicate chez le spectateur.
Amanda Craig propose deux œuvres manifestement plus légères avec WHAT HAPPENED et I AM NOT IN THE MOOD. À partir de fragments de textes issus de la télévision et de sources en ligne qui s’amalgament à des observations personnelles tirées de journaux intimes, de souvenirs et de conversations reconstituées venant ainsi regrouper les concepts d’intimité et de vulnérabilité au sein du domaine public, des phrases décousues sont composées puis gravées sur des disques de métal. Le travail consacré à leur construction réfute la nature perspicace de ce type de réflexion qui aborde les questions de la sexualité, du genre et de la féminité. Les disques s’inspirent des bonbons en forme de cœur arborant des messages doux et des gages d’amour transmis secrètement par des prisonniers britanniques; de petites pièces de monnaie sur lesquelles des messages personnels étaient gravés. La nature disparate de ces deux exemples dans lesquels l’émotion est communiquée souligne la complexité du désir et sa réception.
Adam Basanta présente, en collaboration avec Max Stein et Julien Stein, Music for 12 Lamps. L’installation est constituée de lampes commandées par ordinateur et de 14 canaux audio. Discrètement équipées d’un transducteur de surface faisant office de haut-parleur, chacune des lampes possède sa propre voix dans cet environnement immersif. En remplissant leur fonction première de manière chorégraphiée et amplifiée, ces objets de tous les jours complexifient leur fonctionnalité quotidienne et inestimable, et remettent en question l’ubiquité de l’écran en tant que présence lumineuse dans le monde des arts et la vie courante. Des fauteuils installés çà et là permettent aux spectateurs de vivre pleinement cette expérience immersive et de sonder les notions de scène et de performeur dans les œuvres temporelles. Au cours du vernissage, les collaborateurs animeront l’installation en livrant une performance qui réorientera les protagonistes au sein de la pièce.
Les sculptures de porcelaine minutieusement réalisées par Laura Hudspith font partie de la série Feast your Eyes. Utilisant la forme commune de la tarte pour représenter le désir, les portions individuelles rappellent des comptines et comment celles-ci racontent des histoires tragiques de façon plus acceptable et apparemment enfantine. Ainsi, des oiseaux de porcelaine vitrifiée non vernie se transforment en personnages dans cette étude des idéaux sociaux. Les tartes font office de scènes et servent à la fois de « nids et de cages, de lieux de reproduction et de territoires », symbolisant les aspects plus sombres des relations, du développement des communautés et, ultimement, de la nature humaine. Lorsque présentées sous cette forme matérielle, les scènes nous séduisent en raison de leurs surfaces immaculées et leurs figurines soigneusement façonnées. La méthode de production traduit à la fois la nature fabriquée des structures sociales qu’elle représente et le soin requis pour les maintenir.
Profondément touchant, Tears of Inge d’Alisi Telengut est un film d’animation peint image par image sur une surface fixe en utilisant la technique d’animation sous l’objectif. La surface faite à la main, façonnée au fil de nombreuses applications et suppressions de couleurs, contraste vivement avec les animations par ordinateur prédominantes de notre époque. Cette amplification du travail manuel ajoute une profonde charge émotive à ce récit traditionnel des nomades mongoliens traitant de l’interdépendance entre les humains et les animaux, d’autant plus que celui-ci est narré par la grand-mère de l’artiste dont la voix a été enregistrée lors d’une visite à Montréal. Alisi Telengut emploie son style distinct pour enregistrer et raconter avec tendresse les légendes des traditions nomades de sa famille; un mode de vie qui disparaît peu à peu. Dans son projet vidéo Réactions, Laurence Poirier interprète des succès radio de son choix à ses amis. Invisible à l’écran, l’artiste pointe plutôt l’objectif vers ses auditeurs, captant ainsi leurs réactions face à sa douce voix soprano livrant avec une profonde sincérité des succès tels que Lady in Red et True Colours. Chaque participant éprouve de la timidité ou démontre un certain malaise qui semble être provoqué non pas par la caméra braquée sur leurs visages, mais plutôt par la chanson interprétée devant eux. Étrangement, il s’agit en quelque sorte d’un acte courageux puisque chaque voix est si unique et entièrement liée au corps : chanter directement à une seule personne révèle crûment une partie de soi-même. Ainsi, Laurence Poirier fait du portrait un acte de réciprocité. Les émotions révélées lors de cet échange laissent entrevoir le potentiel politique de ce geste envers une autre personne. Lauren Osmond transcende la confection traditionnelle du vêtement en utilisant le kombucha, un « système symbiotique de bactérie lactobacillus-acidopholus et de levure auquel est ajouté du sucre et du thé vert », pour créer un costume de danse qui croît et se décompose à la fois. La tenue est portée par la danseuse Kim Fleury-Bertrand dans l performance de textile et de danse Fabrication, filmée à l’historique Bain Saint-Michel dans le Mile-End. Alors que l’interprète se déplace dans cette piscine maintenant vide, la chaleur et l’humidité de son corps traverse son costume et désagrège le tissu. Le vêtement est intimement lié à la performance de l’identité. En tant que réalisatrice et costumière, Lauren Osmond complexifie sa réception à l’aide de cette surface fragile, mais toujours existante. Dans la boîte noire de la Galerie FOFA, la projection de la performance vacille sur le mur au-dessus du costume exposé tel un spécimen sur une table lumineuse. Maintenant désincarné, le vêtement semble s’apparente étrangement à de la peau. Marie-Pierre Lortie utilise également le vêtement en tant que lieu d’expression dans son projet Memory Playback; un manteau de nostalgie. Une veste en apparence simple est munie de capteurs et d’appareils électroniques qui, une fois actionnés en tirant sur des fils, jouent des souvenirs sonores. Cette matérialisation de la mémoire transpose le vêtement en un lieu d’engagement pour le porteur. En effet, sa fonction n’est pas d’offrir un confort corporel, mais plutôt d’entremêler le somatique et le psychique. L’artiste portera la veste lors du vernissage puisque cet artéfact doit être porté afin de démontrer tout le potentiel affectif qui se manifeste lorsque l’on porte son passé. Cédric Joyal emploie l’humour et adopte un style narratif simple pour raconter l’histoire potentiellement provocatrice d’une jeune femme prenant conscience de la sexualité de son père. There are Three Bears in a Bed est un site Internet interactif relatant un récit de réalisation de soi ainsi que les saines interactions des membres d’une famille à la façon d’un diaporama comique. L’héroïne se souvient comment sa famille a évolué, mettant ainsi en lumière les réelles préoccupations des enfants face à leurs familles par opposition à celles imaginées par la société hétéro. Son raisonnement derrière sa décision de déménager chez son père et son nouveau copain? La proximité de son nouveau collège et les talents culinaires de son nouveau beau-père. Aaron Leon crée des paysages bucoliques à la fois psychédéliques et sublimes grâce à un procédé photographique tricolore utilisant des filtres nets et découpés pour séparer le rouge, le vert et le bleu dans une image. Cette dissection spectrale peut mener à de subtils changements suggérant les premières technologies 3D. Elle peut également déstabiliser notre perception du paysage dans son ensemble et transformer les plans, remettant ainsi en question les conventions d’histoire de l’art en ce qui a trait à l’arrière-plan, au deuxième plan et au premier plan. Ces ruptures interposées dans l’image soulignent le rôle que nous jouons en tant qu’observateurs dans la construction de ce que nous voyons. En effet, une photographie produite de cette manière agit à titre d’index; elle n’a pas été altérée à l’aide d’outils numériques. Le rôle historique de la photographie en tant que témoignage renforce ainsi le puissant impact de ces œuvres. La pratique artistique de Jennifer Cherniack se penche sur le développement du langage et ses systèmes de distribution. Les trois projets proposés, The One with all the Posters, The One with the Sarcasm et The One with the Lord’s Name in Vain, utilisent spécifiquement le langage employé dans la comédie de situation des années 90 Friends afin d’étudier de quelle façon la culture des jeunes et les premières communications Internet se sont répandues dans la société en général. L’artiste a recours à Friends en tant que « base de données textuelle, et tient compte des textes narratifs, culturels, linguistiques et historiques dans le but de souligner l’incongruité des moyens de communication populaires dans les années 90. Allant du manque de vocabulaire en passant par les mauvais usages de la langue et les erreurs linguistiques, The One… étudie la façon dont les espaces entre une chose et une autre peuvent nourrir notre compréhension de la communication ». Jacinthe Robillard utilise diverses formes documentaires de base telles que la photographie, la vidéo et la référence pour créer cette série de portraits complexe. Le titre du projet, L'étendue de mes connaissances, fait allusion à l’incarnation de la connaissance et à sa nature sensorielle, ou plus précisément à la notion d’apprentissage que l’artiste étudie. Créant des environnements neutres, elle propose à ses amis et membres de la famille de réaliser une tâche spécifique à partir d’instructions sous forme de diagramme. Les réactions des participants sont documentées alors qu’ils sont en plein processus de compréhension et tentent de réaliser une grue en origami. Les gestes, les changements de posture, les expressions faciales et les sons subtils nourrissent sa quête des signes distinctifs dans un moment de solitude et d’intmité. Avec Hobby Horse I et Hobby Horse II, Emily McIntyre présente plusieurs œuvres pouvant être achetées ou vendues. Elles sont similaires à de nombreux objets de la culture matérialiste et construites comme des meubles à monter, les rendant faciles à assembler et à reproduire. Leur « peau » est imprimée numériquement sur de la soie organza, qui permet d’observer la qualité de leur surface ainsi que leur structure interne. L’artiste a construit la structure à sa propre hauteur afin de s’impliquer personnellement dans le projet et de témoigner subtilement son désir d’utiliser les chevaux en tant que potentiels médiateurs entre elle et le public. Dans cette installation, les poneys ont pour arrière-plan un mur d’imprimés ainsi que l’œuvre Quit Horsing Around; une représentation quasi héraldique de la famille à laquelle les têtes de chevaux pourraient être membres.
Galerie VAV Par la déconstruction des formations biologiques, A Personal Research Book d’Elizabeth Brouillard remet en cause les modes de déterminisme – ou de non-déterminisme – biologique de l’individualité. Jouant avec l’idée de recherche empirique, l’artiste met en scène une valise contenant des sphères en céramique colorée qui imitent des structures organiques, des plaquettes de verre sur lesquelles sont dessinées ou peintes de petites créatures et un journal de recherche personnel parsemé de questions existentielles en attente désespérée de réponses. Par son choix de disposer les articles dans une valise, elle interpelle le spectateur et lui demande de « prendre part au voyage » en sachant que la destination et la réponse finales demeurent inconnues.
Le rapport dichotomique entre espace domestique et espace public a joué un rôle considérable dans la contextualisation de l’art. En déconstruisant les notions depuis longtemps établies liées à l’art in situ et le rôle de ce dernier dans la compréhension esthétique de ces deux espaces, il faut impérativement considérer comment leur interaction peut se trouver bousculée par la création d’un environnement esthétique destructif. La série Bedroom Transmutation de Sarah Sanford constitue unexercice de destruction des espaces domestiques. Ici, la maison, synonyme de confort et de paix pour beaucoup de gens, a été déconstruite et détruite. Le recours à des objets inscrits dans la temporalité permet à l’artiste d’en exposer la décomposition. Ses photographies présentent la dématérialisation des objets comme un acte puissant, d’autant plus que ceux-ci sont délibérément captés à l’intérieur de l’univers domestique.
Noémie Ouimet Meloche utilise diverses techniques d’impression et le collage pour créer une série d’estampes ludiques où les poissons volent et où l’on s’attarde durant des heures à regarder au loin la mer. La superposition des images joue avec la notion de constructivité de la mémoire, avec l’effacement inévitable des moments fugaces au profit des gestes de la vie quotidienne. Et bien que nous ne sachions pas au juste qui sont ces visages souriants, notre relation affective à la scène nous attire vers ces images. A Fantastical Mess de Melanie Perreault prend d’abord la forme d’objets trouvés qui finissent par tout envahir, autant l’appartement d’un ami que l’espace d’une galerie d’art. De construction et d’usage banals, ces objets acquièrent un caractère fantastique au fur et à mesure de leur expansion et de leur prise de possession du territoire. L’installation in situ se tiendra à l’arrière de la galerie VAV et se déploiera sur une période de trois jours avant le début de l’exposition des étudiants de dernière année de la Faculté. La nature d’une œuvre in situ tient pour une large part à l’incertitude liée au déroulement du projet; en l’occurrence, c’est l’œuvre qui s’adapte à l’espace, et non l’inverse. Le spectateur qui verra l’installation à l’issue de la démarche sera à même de comprendre que la matérialité des œuvres de ce « prodigieux capharnaüm » revêt une dimension temporelle. La construction même de l’installation, et non seulement son point d’aboutissement, deviendra limpide à ses yeux. Le portrait comme forme d’art est passé de la présentation de la richesse et de la puissance du mécène à la revendication par l’artiste du droit d’évoquer sa propre vision du sujet. Il faut savoir que si les paramètres de ce genre pictural sont demeurés pratiquement inchangés, son intérêt majeur réside dans les éléments que l’artiste choisit de capter de son sujet, et dans ceux qu’il en écarte. Dans sa série Posturers, Sara Anstis nous donne à voir un homme représenté essentiellement au moyen de ses expressions et des traits de son visage; c’est le visage qui s’impose grâce au tracé minutieux de l’artiste tandis que le buste et la tête, simplement esquissés, s’estompent discrètement dans l’arrière-plan. Ce choix détériore et défie le portrait traditionnel, qui exige la présentation détaillée du sujet. À première vue, de simples arrangements organiques aux teintes claires apparaissent dans Flower Paintings de Sara Maston; mais à y regarder de plus près, les tiges semblent receler un sentiment furtif de perte et de mort. Le symbolisme des fleurs, qui évoquent à la fois un début éventuel et une façon coutumière de marquer la fin de quelque chose, laisse perplexe : de qui pleure-t-on la perte ou qui célèbre-t-on? Impossible à savoir. Par contraste, dans Dog Party, des animaux en céramique sont placés dans des situations humaines quotidiennes comme faire les courses ou pâtir sur une civière d’hôpital. L’utilisation de moments banals ou à forte charge émotive et l’anthropomorphisme des chiens et des chameaux transposent au royaume du fantastique les émotions négatives qui y sont associées. Dès lors, des moments fugitifs menacés de désintégration pour cause de mémoire défaillante prennent des allures de carnaval : les chiens chaussés de pantoufles en forme de lapins poussent des chariots d’épicerie tandis qu’un aimable chameau se transforme en plateau pour son ami malade. À partir de fragments, le tisserand créée une nouvelle image extraite de sa source d’origine. La complexité du tissage comme médium artistique n’est pas reconnue à sa juste valeur, car cette activité dite féminine relèverait de l’artisanat, et non de « l’art ». Dans sa série His Royal Highness, Jessica Monuk a conçu des œuvres originales entièrement fondées sur des photographies faites par Son Altesse Royale le prince Andrew, duc de York, et destinées à figurer dans un livre de prestige. En s’appropriant ces photos et en les entretissant, elle les a recontextualisées de manière à remettre en question les pratiques artistiques conventionnelles. Cette posture lui permet de gommer le clivage grand art/artisanat féminin, préfigurant ainsi la désintégration permanente de ce binôme. La maison comme royaume domestique est souvent reléguée à un espace féminin gardien de l’artisanat. Cette notion obsolète de la pratique artistique a prospéré dans les interprétations normatives de la nature de l’art. La délinéation de l’art n’a permis de s’intéresser qu’à un contexte historique particulier dans lequel la broderie n’a guère sa place. Dans son triptyque subversif Peenflowers, Véronique Leblanc utilise le point de croix pour broder des fleurs-pénis éparpillées çà et là. Ce défi lancé aux notions phalliques patriarcales et leur visualisation dans un contexte féminisé, en plus d’interroger les notions de grand art et d’art féminin, autorise la recontextualisation d’une pratique domestiquée au sein d’une institution artistique traditionnelle qui dégrade encore plus avant la notion d’art avec un grand A.
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